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Moyen-Orient - Enquête inédite

Enlèvement des archevêques d'Alep : qui avait intérêt à faire disparaître Boulos Yazigi et Youhanna Ibrahim ? | 1/3

Premier épisode de notre enquête inédite en trois volets sur l'enlèvement des archevêques d'Alep, Boulos Yazigi et Youhanna Ibrahim. 

Enlèvement des archevêques d'Alep : qui avait intérêt à faire disparaître Boulos Yazigi et Youhanna Ibrahim ? | 1/3

L'archevêque grec-orthodoxe d'Alep Boulos Yazigi et l'archevêque syriaque-orthodoxe Youhanna Ibrahim. Illustration Jaimee Haddad

Ils sont une quinzaine, réunis dans la salle de conférences du deuxième étage du Sofitel, ce 17 avril à Beyrouth. Seul l’habit les distingue. Prêtres et évêques, venus représenter neuf Églises orientales, se saluent et discutent de l’actualité avec des ministres libanais ou leurs délégués autour d’un café. Derrière les tables dressées face à face, religieux à gauche, politiques à droite, trônent les portraits des deux archevêques d’Alep, le grec-orthodoxe Boulos Yazigi et le syriaque-orthodoxe Youhanna Ibrahim, avec la mention « Nous n’oublions pas ni ne nous tairons ». Durant plus d’une heure, les intervenants, invités par la Rencontre orthodoxe et la Ligue syriaque, vont s’exprimer tour à tour sur une affaire qui n'intéresse pourtant plus personne. À l'époque, l'enlèvement des deux hiérarques syriens dans la province d’Alep avait ébranlé les Églises orientales et provoqué une onde de choc au-delà de la Syrie. Du pape François aux clercs musulmans de la région, du Liban à la Grèce et de la France au Qatar, le rapt avait été condamné avec la plus grande fermeté.

Onze ans après, l’enquête sur leur disparition n’a pas avancé d’un millimètre. De nombreux intermédiaires ont pourtant tenté de dénouer le mystère avec l’aide de la moitié des services de renseignements de la région. Mais rien n’y a fait. Tous ont fini, officiellement, par s’y casser les dents. Personne ne sait s’ils sont morts ou bien vivants. Personne ne sait non plus qui est à l’origine de leur enlèvement. Pourquoi eux ? Pourquoi faire disparaître ces deux grands représentants des Églises orientales sans revendiquer son acte ni réclamer une rançon ? Pourquoi le faire à ce moment-là, alors que l’issue de la guerre syrienne, qui a démarré deux ans plus tôt, demeure des plus incertaines ?

 « C’est plus gros que ce qu’on peut imaginer, on ne peut pas en parler »

Certains comparent ce mystère à celui qui entoure le destin du célèbre imam chiite, fondateur du mouvement Amal, Moussa Sadr, disparu depuis 1978. Mais cette analogie, souvent utilisée dans cette affaire, sous-entend que nous n’aurons jamais le fin mot de l’histoire. « C’est plus gros que ce qu’on peut imaginer, on ne peut pas en parler », confie, sous couvert d’anonymat, un clerc levantin.

Lire le deuxième épisode de l'enquête

Enlèvement des archevêques d'Alep : la piste turque, les infiltrations russes et le silence américain | 2/3

De fait, le sujet provoque jusqu’à aujourd’hui des hoquets, des aphonies soudaines et parfois même quelques avertissements. « C’est un sujet si sensible qu’il vaut mieux ne pas s’y frotter », prévient-on. « Il en va de la vie des gens… et de la vôtre. » Pour la première fois depuis leur disparition, L’Orient-Le Jour a réussi à reconstituer une grande partie du puzzle, sans toutefois prétendre apporter une réponse définitive. Pour mener cette enquête inédite, nous avons interviewé plus d’une vingtaine de personnes, des proches des évêques disparus, des sources religieuses, politiques, diplomatiques, sécuritaires et des intellectuels, qui ont, pour certains d’entre eux, accepté notre demande d’entretien en échange de la garantie de leur anonymat. En revanche, le patriarcat grec-orthodoxe, tout comme celui des syriaques-orthodoxes n’ont jamais donné suite à nos sollicitations en plus d’un an.

Prélude

Hiver 2013. La bataille pour la ville d’Alep fait rage entre les forces loyalistes positionnées à l’Est et les forces rebelles, à l’Ouest. Les corps de dizaines de jeunes hommes sont retrouvés mi-janvier dans la rivière Qoueiq qui traverse le quartier de Bustan al-Qasr. L’opposition accuse le régime de Damas d'exécutions sommaires contre des civils. À l’instar de la guerre civile libanaise, les enlèvements sont légion. Et du fait des deux camps. Les grandes artères du pays tout comme les chemins de traverses sont parsemés de checkpoints et les déplacements sont au mieux interminables, au pire dangereux. « Dans son histoire moderne, Alep n’a pas connu de moments aussi critiques et douloureux que ces dernières semaines. Des chrétiens ont été attaqués et kidnappés de manière monstrueuse et leurs proches ont payé de grosses sommes pour leur libération », témoigne l'archevêque Youhanna Ibrahim à Reuters en septembre 2012. Il ne croit pas si bien dire. Quelques semaines avant sa disparition aux côtés de Boulos Yazigi, un autre enlèvement va constituer le prélude de cette histoire.

Lire le troisième épisode de l'enquête

Enlèvement des archevêques d'Alep : le chemin de Damas | 3/3

Nous sommes le 9 février 2013. Le père Maher Mahfouz est de passage à Alep au chevet de sa mère malade. Mais il lui faut maintenant retourner à son monastère Saint-Georges des grec-orthodoxes à Wadi Nassara, à quelques kilomètres à peine du fameux krak des Chevaliers. Le curé arménien-catholique Michael Kayyal, 26 ans à peine, doit, lui, rejoindre l'aéroport de Beyrouth. Alors, avec leur homologue maronite, Charbel Daourat, ils montent tous trois à bord d’un bus public au départ d’Alep pour gagner Kafroun, dans le gouvernorat de Tartous. Les barrages se succèdent. Mais à quelques kilomètres de Saraqeb, sur l’autoroute qui relie Alep à Damas, alors contrôlée par les forces gouvernementales, le véhicule est arrêté par des hommes armés non identifiés, qui font descendre les deux premiers, identifiables à leur soutane. Par chance, le père Charbel, vêtu en civil, échappe à la vigilance des ravisseurs. « Notre frère Michael Kayyal avait tout juste un an de prêtrise. Il devait s’envoler pour Rome ce jour-là », raconte à L’OLJ en novembre 2023, depuis son bureau à Beyrouth, le patriarche des arméniens-catholiques, Raphaël Minassian. « Nous ne savons toujours pas qui les a enlevés, mais je pense qu’il y a un pouvoir inconnu, une cinquième colonne. Elle donne la mort, mais ne peut dominer l’esprit », dit-il, évasif.

Les prêtres arménien-catholique Michael Kayyal et grec-orthodoxe Maher Mahfouz. Photo du département d'État américain

À l’époque, l’enlèvement des deux jeunes clercs passe quasiment inaperçu. La presse locale l’évoque à peine. Selon un rapport de l'Observateur assyrien pour les droits de l’homme, datant de 2018 et intitulé « le bon pasteur », qui retrace les violences et exactions contre des prêtres en Syrie depuis le début de la guerre civile, « des sources informées, proches du gouvernement », affirment qu’ils ont été enlevés par un groupe islamiste extrémiste. « Le prêtre rescapé a pour sa part raconté que ces hommes avaient un accent de la côte », explique Jamil Diarbakerly, directeur exécutif de cette ONG basée en Suède, qui n’est autre que le neveu de Youhanna Ibrahim.

Une demi-heure après l’enlèvement, les ravisseurs, qui ne revendiquent aucune appartenance, contactent le frère du père Michael et exigent une rançon de 15 millions de livres syriennes (plus de 200 000 dollars à l’époque) et la libération de « 15 détenus », non désignés, dans les geôles du régime. La famille accepte de payer. S’ensuivent des péripéties étranges. Les preneurs d’otages changent de braquet : ils ne veulent finalement que l'argent. Durant deux mois, des tractations sont menées par le patriarcat grec-othodoxe à Damas et la rançon tombe finalement à un million de livres. « Elle a été soi-disant payée. L’Église cherchait quelqu'un qui puisse se rendre en zone de l’opposition pour récupérer les prêtres, alors l'archevêque Youhanna Ibrahim s’est proposé », raconte à L’OLJ Fouad Eliaa, son ami de trente ans, et unique rescapé de l’enlèvement des évêques.

« Ce n’était pas quelque chose de nouveau pour nous. Nous l’avions fait des dizaines de fois »

Le clerc n’en est pas à son coup d’essai. Fort de ses bonnes relations au sein du régime, mais aussi dans les rangs de l’opposition, il use de sa position et de ses talents de diplomate pour se frayer un chemin dans cette lutte fratricide. Fouad Eliaa a pour habitude de l’accompagner dans ce genre « d’opérations » qui consistent à sauter dans une voiture pour aller récupérer des otages. « Ce n’était pas quelque chose de nouveau pour nous. Nous l’avions fait des dizaines de fois. Les officiers de l’Armée syrienne libre le connaissaient et le régime était systématiquement tenu au courant », raconte-t-il. Les deux hommes se connaissent depuis 1980, année de la libération de ce professeur d’école encarté au parti communiste et incarcéré durant un an pour son opposition au régime de Hafez el-Assad. « La notoriété de mon oncle dépassait notre petite communauté syriaque-orthodoxe. Il était considéré comme l'archevêque de tous les chrétiens et avait de très bonnes relations avec les autres composantes religieuses. Lorsque la révolution éclate, il n’a pas coupé les ponts avec ceux qui y ont pris part, c’était ses amis », explique Jamil Diarbakerly.

Un dernier cliché

La mission pour récupérer les deux prêtres est prévue pour le lundi 22 avril 2013. La veille, l'archevêque Ibrahim rencontre des officiers de l’armée syrienne pour les informer de l’expédition. À moins d’une centaine de kilomètres de là, à Antioche, Boulos Yazigi, l’archevêque grec-orthodoxe, qui conclut sa visite pastorale en Turquie, cherche à rentrer sur Alep. Par un concours de circonstances, il va se greffer au convoi. Rendez-vous est pris au poste-frontière de Bab el-Hawa. Youhanna Ibrahim et son ami Fouad Eliaa s'apprêtent à quitter Alep à bord d’une petite voiture grise conduite par le diacre Fathallah Kaboud. Mais pour traverser les zones rebelles sans encombre, le clerc a besoin d’un appui solide. Ce sera Abderrahmane Allaf, un avocat, alors chef du Conseil supérieur de la magistrature au sein de l’opposition. « Nous nous connaissions depuis longtemps. Il m’a appelé le matin même et m’a dit : “Je n’ai confiance qu’en toi”. Alors j’ai embarqué mon fils et un homme armé chargé de notre protection », raconte le juriste, exilé en Turquie. Les ravisseurs exigent que l'archevêque se présente seul au point de rendez-vous, mais Allaf le lui déconseille. Ils iront tous ensemble. Les deux voitures se suivent jusqu’à la frontière turque et récupèrent l'évêque Yazigi.

En chemin, le convoi passe sans problèmes les checkpoints de l’Armée syrienne libre (ASL). « Les hommes de l’ASL respectaient Youhanna Ibrahim, ils l’ont très bien accueilli », raconte Me Allaf. À Sarmada, une ville de la province d’Idleb, Mgr Ibrahim doit rencontrer les ravisseurs des deux prêtres. « Ils nous donnaient un point de rendez-vous, puis un autre. On a parcouru toute la ville », se souvient l’avocat. « C’était un leurre, personne ne s’est présenté. Ils nous ont baratiné au téléphone, donc on a décidé de rentrer à Alep », poursuit Fouad Eliaa. Avant de se quitter, le groupe s’arrête à la ferme de Allaf à Hawar, un petit village du rif. Un dernier cliché est pris par le diacre avec l’appareil photo du fils d'Abderrahmane Allaf. Les deux évêques sourient. 

La dernière photo prise par le diacre et conducteur Fathallah Kabboud, le jour de l'enlèvement. L'archevêque Youhanna Ibrahim et l'archevêque Boulos Yazigi sont entourés de l'avocat Abderrahmane Allaf (au centre), de son fils (à gauche) et de Fouad Eliaa (à droite). Photo Abderrahmane Allaf

Les deux voitures se séparent ensuite au checkpoint de l’ASL à Kfar Daël. Le véhicule des archevêques doit traverser un « no man’s land » de quelques kilomètres vers Mansoura avant d’atteindre le barrage de l’armée syrienne. À 500 mètres de là, sur une route à la circulation active, un imposant 4x4 les pousse à se ranger sur le bas-côté. Quatre hommes armés braquent leurs fusils d’assaut sur les passagers. Les assaillants ont « un faciès de gens de l’Est, de type tchétchène ou kirghize », ne prononcent pas un seul mot, se contentant de communiquer par signes. « Ils ont sorti le diacre qui s’est enfui en direction du poste de l’armée. J’ai protesté mais ils m’ont forcé à descendre en me menaçant avec un fusil et des grenades. Puis ils ont volé le véhicule avec les archevêques et ont filé vers Kfar Daël », raconte le rescapé. Laissé sur le bord de la route, l’ancien professeur fait le choix de repartir dans le sens inverse du diacre, donc en direction du « checkpoint » de l’opposition. Il arrive après plus d’une heure à Hawar, chez Me Allaf, qui s’empresse d’interroger les combattants de l’ASL postés au barrage de Kfar Daël. Le tout-terrain et la voiture des prêtres sont arrivés en trombe devant eux. « C’était la première fois que nos hommes voyaient ces gars-là, ils étaient suspicieux », dit-il. Selon les témoignages qu’il recueille, une bagarre s’ensuit alors que l'archevêque Ibrahim tente de se sauver de la voiture. Rattrapé par le col, il a tout juste le temps de jeter sa carte d’identité par la fenêtre en criant « ya aouladi » (mes enfants), en s’adressant aux soldats de l’ASL, avant que les deux véhicules ne disparaissent dans la poussière. Le diacre, lui, est retrouvé mort, une balle dans le front à moins d’un kilomètre de la zone de l’enlèvement, en direction des positions loyalistes, entre des immeubles du complexe d’al-Rachidine. « À partir du moment où il a fui et jusqu’à ce que je quitte la zone, je n’ai pas entendu de coup de feu, donc je ne pense pas que c’était les ravisseurs », suppose Fouad Eliaa.

Aucune piste, aucun indice

L’agence officielle de presse syrienne SANA est la première à rapporter l’information affirmant que les deux évêques sont tombés entre les mains d’un « groupe terroriste » (terminologie utilisée par le régime pour désigner tout groupe d’opposition) alors qu’ils « menaient un travail humanitaire ». Cette annonce provoque un raz-de-marée au sein des Églises en Syrie et au Liban. Elle dévaste le patriarche orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient. Et pour cause, Youhanna Yazigi, qui vient d’être élu quelques mois plus tôt sous le nom de Jean X, n’est autre que le frère de Boulos Yazigi. Se peut-il qu'il soit  directement visé à travers l’enlèvement ?

Le lendemain, le pape François est l’un des premiers à réagir, suivi par l’Église orthodoxe de Moscou, par les différents patriarches des Églises orientales ainsi que par les représentants des communautés musulmanes au Liban.

Le chef de l'Église grecque-orthodoxe, Jean X Yazigi, lors de son intronisation. Photo du patriarcat

Dans les bureaux des politiques libanais, c’est le branle-bas de combat. Députés, ministres, Premier ministre et le président de la République de l’époque, Michel Sleiman, dénoncent de concert l’enlèvement, appelant à leur libération immédiate. Ce dernier contacte immédiatement son homologue turc, Abdullah Gül. Ses services de renseignements, présents en zone de l’opposition, ont sûrement vu ou entendu quelque chose. « Nous avons frappé à toutes les ambassades, mais il n’y a jamais eu aucune piste, aucun indice sur les commanditaires potentiels, ni même aucune preuve de leur survie ou de leur mort. Les Turcs nous disent qu’ils ne savent rien, tout comme les Syriens. Et comme ça concerne une petite minorité chrétienne, tout le monde s’en fiche royalement, notamment les Occidentaux », dénonce encore aujourd’hui Habib Afrem, président de la Ligue syriaque au Liban. Du côté de l’opposition, cette affaire tombe on ne peut plus mal. L’Armée syrienne libre, qui regroupe une galaxie de factions rebelles, s'empresse de réagir dans la presse occidentale en affirmant être totalement étrangère à cet acte qu’elle dénonce vigoureusement.

Le téléphone d’un homme en particulier ne cesse de sonner : dirigeants ou personnalités syriennes, libanaises, qataries, grecques ou françaises se succèdent au bout du fil. C’est un grec-orthodoxe originaire de Qatana, une petite ville de la banlieue de Damas. Il vit depuis deux ans en exil à Paris. Mais c’est surtout un opposant de longue date au régime. En tant que président du Conseil national syrien, une autorité politique formée en septembre 2011 qui réunit à l’époque une trentaine de groupes d’opposition, il est la figure politique numéro un de la rébellion. « Il était de ma responsabilité de connaître la vérité, j’ai aussitôt pris l’affaire à bras-le-corps », confie à L’OLJ Georges Sabra.

Le président du Conseil national syrien, Georges Sabra. Photo prise à Istanbul en juillet 2013. Photo d'archives AFP

La confusion est telle qu’elle favorise la prolifération de fausses pistes. L’association chrétienne française L’Œuvre d’Orient annonce, le 23 avril, la libération des évêques, affirmant qu’ils se trouvent en l'église Saint-Élie d’Alep, selon des « chrétiens sur place ». Déclaration aussitôt démentie par l’archidiocèse grec-orthodoxe de la ville. « Nous étions totalement effondrés d’avoir annoncé ce fait erroné, d’autant que ce drame nous avait bouleversés, car nous l’avions ressenti comme une fragilisation pour l’ensemble des communautés chrétiennes », raconte le directeur de L’Œuvre d’Orient, Mgr Pascal Gollnisch . L’association ne sera pas la seule à mettre la charrue avant les bœufs. « On s’accrochait à n’importe quelle branche, et on a cru à cette hypothèse, mais après des contacts avec le Qatar et l’Arabie saoudite, on a su que c'était faux », se souvient Georges Sabra qui avait lui aussi annoncé leur libération rapide.

« On s’accrochait à n’importe quelle branche »

Abderrahmane Allaf et Fouad Eliaa, les derniers à avoir vu les évêques avant leur disparition, vont passer la région au peigne fin pendant plus de dix jours. « Nous n’avons pas laissé une ferme. Mais j’ai vite compris que cela ne pouvait pas être quelqu’un de chez nous parce que la zone de l’enlèvement était trop proche de l’armée syrienne », avance l’avocat. « Les révolutionnaires n'avaient aucun intérêt à commettre un tel crime. Aucun. Je n’étais pas un représentant de l’ASL, mais cet homme de foi venait chez nous, et il avait confiance en nous », ajoute-t-il.

À travers notre enquête, plusieurs éléments ont permis d’affiner les pistes. Le jour des faits, les ravisseurs ont relâché les deux autres passagers de la voiture, Fouad Eliaa et Fathallah Kabboud, pour s’emparer uniquement des deux archevêques. « Ça montre qu’ils avaient des informations et des ordres clairs pour sélectionner les prises », estime le président du Conseil national syrien. Qui avait intérêt à faire disparaître ces deux hommes de foi ? Un groupe islamiste radical ? Un gang motivé par l’argent ? Le régime lui-même ? Toutes les pistes sont envisagées. Mais le fait que personne n’ait jamais revendiqué l'enlèvement, ni exigé des sommes d’argent ou un échange de prisonniers renforce les interrogations sur le véritable mobile du crime.

Fouad Eliaa lors d'une interview en août 2022 sur SyriaTV.

Dans cette affaire pleine de mystères, un nom sort sans cesse de la bouche des interlocuteurs. Celui de Abbas Ibrahim. Quelques jours à peine après le rapt, c’est sur le bureau du directeur de la Sûreté générale, nommé deux ans plut tôt, que le dossier tombe, à la demande de l’Église grecque-orthodoxe. En lui, elle voit l’homme de la situation : un général de l’armée, passé chef du département contre-terrorisme et espionnage, à la branche des renseignements du Sud, et surtout connu pour avoir joué un rôle de premier plan dans une première médiation liée à la crise syrienne. Cinq mois avant l’enlèvement des archevêques, le 30 novembre 2012, 21 jeunes sunnites libanais et palestiniens originaires de Tripoli et du Akkar, ayant rejoint la rébellion contre le régime, sont tués dans une embuscade tendue par l’armée syrienne près de la ville de Tall Kalakh dans la province de Homs. Mandaté par l’État libanais, le chef de la Sûreté parvient à négocier avec Damas le retour des dépouilles mortelles et l’extradition d’un captif. Proche du Hezbollah, adoubé par Damas, Abbas Ibrahim a également ses entrées chez les services secrets turcs et qataris, et est l’interlocuteur privilégié des Occidentaux. Autant de portes auxquelles frapper pour obtenir des indices…

Episode 2

Enlèvement des archevêques d'Alep : la piste turque, les infiltrations russes et le silence américain | 2/3

Ils sont une quinzaine, réunis dans la salle de conférences du deuxième étage du Sofitel, ce 17 avril à Beyrouth. Seul l’habit les distingue. Prêtres et évêques, venus représenter neuf Églises orientales, se saluent et discutent de l’actualité avec des ministres libanais ou leurs délégués autour d’un café. Derrière les tables dressées face à face, religieux à...

commentaires (8)

Ceux qui ont enlevés ces deux clercs sont des islamistes Tchétchènes; l'un de leurs principaux objectifs (comme tout islamiste) est de tuer un maximum de religieux chrétiens. Car ils savent que ce sont les premiers guerriers du Christ. Cela fut l' un des objectifs principaux des communistes, et avant eux encore des révolutionnaires de la TERREUR républicaine

Nicolas ZAHAR

14 h 34, le 23 avril 2024

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Commentaires (8)

  • Ceux qui ont enlevés ces deux clercs sont des islamistes Tchétchènes; l'un de leurs principaux objectifs (comme tout islamiste) est de tuer un maximum de religieux chrétiens. Car ils savent que ce sont les premiers guerriers du Christ. Cela fut l' un des objectifs principaux des communistes, et avant eux encore des révolutionnaires de la TERREUR républicaine

    Nicolas ZAHAR

    14 h 34, le 23 avril 2024

  • POUR LES ARCHEVEQUES, PAS ASSAD NI POUTINE. LES TERRORISTES FINANCES ET LACHES CONTRE LE REGIME SYRIEN PAR LES OCCIDENTAUX ET EN TETE *PAPA SAM* ET*ERDO* QUI LES LOGEAIT CHEZ LUI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 15, le 23 avril 2024

  • On citait également Daech à l’époque, entre autres groupes, mais si les prélats n’ont donné aucun signe de vie, c’est qu’ils sont hélas… ou si l’on préfère, portés disparus. En Irak, également. Erbil est devenu un refuge pour des rescapés, avec l’avancée de l’État islamique… Qui est derrière ces disparitions, on ne le saura peut-être jamais. Des accusations, selon le choix que tel organe est responsable, alors que d’autres exécutants étaient sur place pour faire porter la responsabilité à d’autres… ou bien le régime pour discréditer ses adversaires de mener une guerre confessionnelle…

    Nabil

    18 h 50, le 22 avril 2024

  • Passionnant à lire. Il faut recourir à des cartes pour mieux connaître l’itinéraire et qui contrôle quelle partie, par des barrages volants, des enlèvements… Quand je lis : ""...avec la mention « Nous n’oublions pas ni nous nous taisons »"" c’est qu’on est au courant de ce qui s’est passé, on détient une vérité cachée, et que donc par crainte pour d’autres, selon un des principes de l’omerta : ""« C’est plus gros que ce qu’on peut imaginer, on ne peut pas en parler »"", on préfère le silence....

    Nabil

    18 h 47, le 22 avril 2024

  • CHERCHEZ DANS LES ARCHIVES DES JOURNAUX ITALIENS ET MEME NOTRES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 54, le 22 avril 2024

  • LES UNS FURENT ENLEVES DANS DES AUTOS PAR DES TERRORISTES EN SYRIE. L,AUTRE DANS UNE CAISSE CONSULAIRE D,ITALIE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 30, le 22 avril 2024

  • Si la vérité sur le sort des évéques est aussi gênante,c est que sont impliqués ASSAD et POUTINE les soit disant défenseurs des chrétiens d orient.

    HABIBI FRANCAIS

    13 h 32, le 22 avril 2024

  • Lorsqu'on n'arrive pas à mettre le grapin sur les fauteurs de troubles , il ne faut pas hésiter , l'instigateur est donc le fauteur de troubles, le semeur de zizanies : C'est le Mossad , et rien d'autre !

    Chucri Abboud

    02 h 39, le 22 avril 2024

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